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L’été dernier le gouvernement belge annonçait la mise en place de son « plan start-ups », c’est-à-dire quatre mesures fiscales destinées au soutien de ce qu’il appelle les « entreprises débutantes ».

Je vous propose de nous intéresser de plus près à l’une d’entre elles : le tax shelter (nouvel article 145/26 du CIR92).

Le tax shelter, c’est une technique fiscale qui consiste, en Belgique, à encourager les investissements dans un secteur qui en a besoin en agitant une carotte fiscale pour l’investisseur.

Cela marche très bien depuis plusieurs années pour le secteur de l’audiovisuel.  Si bien que cette mesure a été rendue encore plus favorable dernièrement et qu’il est question de l’étendre à d’autres acteurs du monde culturel.

Mais le propos du jour est celui de ce tout nouveau « tax shelter pour entreprises débutantes » qui ne partage avec l’autre (celui pour l’audiovisuel) que le nom et le principe.

Le « tax shelter pour entreprises débutantes », c’est quoi ?

L’idée est d’encourager les personnes physiques qui le souhaitent à investir dans des start-ups.  Mobiliser des capitaux privés pour les injecter dans des petites sociétés débutantes.

Donc si vous avez un peu d’argent à investir, des amis (ou des enfants, des amis de vos enfants, des voisins, des gens dont vous avez entendu parler et dont l’idée vous plait, etc.) qui lancent un projet innovant, qui vous parle et qui vous donne envie de les soutenir, c’est le moment.  Gain fiscal à la clé si l’on fait cela bien.

Un contrat win-win : la start-up, qui a souvent du mal à se financer, profite de fonds frais et la personne physique, dont l’épargne bancaire ne rapporte rien ou presque, bénéficie d’une réduction d’impôt de 30 % ou 45 % du montant investi.

Attention, l’avantage fiscal profitera à l’investisseur, si et seulement si un certain nombre de conditions sont respectées tant par lui que par la start-up.  Certaines d’entre elles doivent être remplies sur la durée.  Il faut donc y être attentif, bien se renseigner sur la société dans laquelle on investit, et travailler, avec elle, au maintien des exigences fiscales.

Dernier point, le nouveau régime légal est théoriquement également accessible pour les investissements effectués via des « fonds starter » agréés par la FSMA.

A ma connaissance, de tels fonds n’existent pas encore à ce jour.  Je vous passerai donc les détails y relatifs.

Le « tax shelter pour entreprises débutantes », c’est pour qui ?

Pour pouvoir bénéficier de la réduction d’impôts il faut être une personne physique (contrairement au tax shelter pour le secteur de l’audiovisuel qui s’adresse aux sociétés) résidente fiscale belge soumise à l’IPP en Belgique ou non-résidente, soumise à l’impôt des non-résidents.

Cette mesure ne peut toutefois pas bénéficier aux dirigeants d’entreprise (c’est-à-dire les gérants, administrateurs, liquidateurs, directeurs indépendants ou toutes autres fonctions analogues) lorsqu’ils souscrivent – directement ou indirectement (via une société dont ils sont dirigeants ou actionnaires ou encore par le biais d’un fonds starter agréé) – aux actions ou parts de la société dans laquelle ils exercent directement ou indirectement leur activité.

La raison donnée par le législateur est que le dirigeant d’entreprise n’aurait pas besoin d’un incitant supplémentaire pour investir dans sa propre société.

Alors quid des parents, enfants, époux et autres personnes liées au dirigeant d’entreprise ?  La législation n’exclut pas le bénéfice de la réduction d’impôts pour ces personnes.  Pourtant la question s’est posée.  Il semble donc que le législateur ait conclu que l’épouse et les parents du dirigeant d’entreprise ont, eux, besoin d’un incitant pour investir dans la start-up.

Notez que la réduction d’impôt se calcule sur la base d’une participation qui ne peut excéder 30% du capital social de la start-up.  La part d’investissements qui permet de dépasser cette participation de 30% ne donne pas droit à la réduction d’impôt.

Quelles sont les « entreprises débutantes » ou start-ups visées ?

  • D’abord elles sont « jeunes » : l’investissement doit se faire lors de la constitution de la société ou à l’occasion d’une augmentation de capital dans les 4 ans suivant sa constitution, mais la société ne peut avoir été constituée avant le 1er janvier 2013.

A ce jour, il s’agit donc de sociétés qui ont été constituées au plus tôt le 1er janvier 2013.

Pour ce qui concerne la constitution d’une société nouvelle, on tiendra compte de la date de dépôt de l’acte de constitution au greffe du tribunal de commerce ou – s’il s’agit d’une société non-résidente – de la date de dépôt d’une formalité similaire dans un autre Etat membre de l’Espace économique européen.

Il est également possible que la start-up reprenne et continue l’activité qui était exercée auparavant par une personne physique ou par une autre société.  Dans ce cas, la date de constitution dont il faut tenir compte est celle :

– De la première inscription à la Banque-Carrefour des Entreprises de la personne physique ;

– Du dépôt de l’acte de constitution au greffe du tribunal de commerce de la première société ;

– De l’accomplissement d’une formalité d’enregistrement similaire dans un autre État membre de l’Espace économique européen par cette personne physique ou cette autre société.

Enfin, la date à prendre en compte pour un investissement effectué dans le cadre d’une augmentation de capital est celle de la souscription (et non celle du versement effectif).

  • Ensuite elles respectent un certain nombre de conditions. Et là on s’accroche.

1. Il doit s’agir d’une société résidente en Belgique ou d’une société de l’Espace Economique Européen qui dispose en Belgique d’un « établissement belge ».

2. La société ne peut pas avoir été constituée à l’occasion d’une fusion ou scission de sociétés.

3. Il doit s’agir d’une « petite société », peu importe le secteur d’activité dans lequel elle opère (attention certains secteurs/types de sociétés sont néanmoins exclus – voir ci-après).

Cette condition doit être remplie pendant tout l’exercice d’imposition afférent à la période imposable au cours de laquelle l’apport en capital a lieu.

Oui mais une « petite société », c’est quoi ?

Il faut se référer à l’article 15 du Code des Sociétés : c’est une société dotée de la personnalité juridique qui, à la date de bilan du dernier exercice clôturé, ne dépasse pas plus d’un des critères suivants :

  • Maximum 50 travailleurs occupés en moyenne annuelle ;
  • Un chiffre d’affaires annuel de 9.000.000 EUR HTVA ;
  • Un total de bilan de 4.500.000 EUR.

Ces critères ne sont pas indexés.

Le dépassement de plus d’un de ces critères n’a d’incidence que si cela se produit pendant deux exercices consécutifs.  Dans ce cas, la société n’est plus considérée comme une « petite société » à partir de l’exercice suivant celui au cours duquel, pour la deuxième fois, plus d’un des critères ont été dépassés.

Dans le cas de sociétés liées, le chiffre d’affaires et le total du bilan doivent être déterminés sur une base consolidée. Par ailleurs, le nombre de travailleurs occupés en moyenne annuelle par chacune des sociétés liées est additionné.

Quid des sociétés qui commencent leurs activités ? Ces sociétés doivent estimer de bonne foi ces critères au début de l’exercice comptable.  S’il ressort de cette estimation que plus d’un des critères seront dépassés au cours du premier exercice, il faut en tenir compte dès ce premier exercice.  Ceci implique que si, au vu du plan financier, il devait d’emblée s’avérer que les seuils seront franchis dès le début, la société ne pourra pas être considérée comme une « petite société ».

4. La société ne peut pas être une société d’investissement, de trésorerie ou de financement.

Cette condition doit être respectée pendant 48 mois à partir de la libération des actions ou parts.  Si ce n’est pas le cas, la réduction d’impôt sera reprise en partie.

5. La société ne peut pas être une « société immobilière ».

Qu’est-ce qu’une société immobilière ?  C’est une société dont l’objet social principal ou l’activité principale est la construction, l’acquisition, la gestion, l’aménagement, la vente, ou la location de biens immobiliers pour compte propre, ou la détention de participations dans des sociétés ayant un objet similaire.

Sont exclues également toutes les sociétés dans lesquelles ont été placés des biens immobiliers (ou d’autres droits réels sur de tels biens) dont un dirigeant d’entreprise ou son conjoint ou ses enfants mineurs non émancipés, ont l’usage.  Une société propriétaire d’un bien immobilier dans lequel réside le gérant (personne physique) est donc d’office exclue.

Cette condition doit également être respectée pendant 48 mois à partir de la libération des actions ou parts.  Si ce n’est pas le cas, la réduction d’impôt sera reprise en partie.

6. La société ne peut pas être constituée afin de conclure des contrats de gestion ou d’administration ou obtenir la plupart de ses bénéfices de contrats de gestion ou d’administration. Exit donc les sociétés dites « de management ».

Cette condition doit également être respectée pendant 48 mois à partir de la libération des actions ou parts.  Si ce n’est pas le cas, la réduction d’impôt sera reprise en partie.

7. La société ne peut être cotée en bourse.

8. La société ne peut, dans le passé, avoir déjà opéré une diminution de capital ou distribué des dividendes.

9. La société ne peut pas faire l’objet d’une procédure collective d’insolvabilité ou se trouver pas dans les conditions d’une procédure collective d’insolvabilité.

10. La société ne peut pas utiliser les sommes perçues via le mécanisme du « tax shelter » pour une distribution de dividendes ou pour l’acquisition d’actions ou parts ni pour consentir des prêts.

Cette condition doit également être respectée pendant 48 mois à partir de la libération des actions ou parts.  Si ce n’est pas le cas, la réduction d’impôt sera reprise en partie.

11. La société ne peut lever plus de 250.000 EUR via le mécanisme du « tax shelter » au cours de son existence. Ce montant n’est pas indexé.

Quels investissements donnent droit à la réduction d’impôts ?

L’avantage fiscal est limité aux investissements dans de nouvelles actions ou parts, émises soit lors de la constitution, soit lors d’une augmentation de capital opérée au cours des quatre années qui suivent la constitution.

Il doit s’agir d’actions ou parts nominatives, c’est-à-dire établies à votre nom et inscrites sous votre nom dans le registre des actions de la start-up.

Ces actions ou parts doivent représenter une fraction du capital social de la start-up, doivent être payées en argent et doivent être entièrement libérées, c’est-à-dire payées entièrement, lors de la constitution de la société ou de l’augmentation de capital.  Les apports en nature, titres de dettes, instruments financiers, etc. ne permettent pas de bénéficier de l’avantage fiscal.

Vous devez conserver les actions ou parts de la start-up pendant 48 mois au moins.  Si vous les cédez avant l’expiration de ce délai, la réduction d’impôt sera reprise en partie.  Par contre, en cas de décès de l’investisseur, l’obligation de conservation pendant 48 mois prend fin sans sanction.

Et à quelle réduction d’impôts ais-je droit ?

La réduction d’impôt est calculée sur la base du capital investi.  Pour rappel l’investissement pris en compte est limité à 30% du capital social de la start-up.

Il est par ailleurs limité à un montant de 100.000 EUR par investisseur et par période imposable.

La réduction d’impôt est égale à 30 % du montant des investissements.

Ce taux passe à 45 % pour les investissements directs en actions ou parts d’une microsociété.

Mais c’est quoi une microsociété ?

La microsociété est une société qui respecte l’ensemble des conditions imposées aux « entreprises débutantes » (oui oui les 11 conditions énumérées là plus haut), qui n’a filiale, ni société-mère et qui ne dépasse pas plus d’une des limites suivantes à la date de clôture des comptes (article 15/1 du Code des Sociétés) :

  • Maximum 10 travailleurs occupés en moyenne annuelle ;
  • Un chiffre d’affaires annuel de 700.000 EUR HTVA ;
  • Un total de bilan de 350.000 EUR.

Ces montants en EUR ne sont pas indexés.

Ici également, le dépassement de plus d’un de ces critères n’a d’incidence que si cela se produit pendant deux exercices consécutifs.  Dans ce cas, la société n’est plus considérée comme une « microsociété » à partir de l’exercice suivant celui au cours duquel, pour la deuxième fois, plus d’un des critères ont été dépassés.

La microsociété débutante doit respecter ces critères pour l’exercice d’imposition afférent à la période imposable au cours de laquelle l’apport en capital a lieu. Les microsociétés qui démarrent doivent évaluer ces critères de bonne foi au début de chaque exercice comptable.

Bon et si je n’ai pas assez d’impôts à payer que pour imputer la réduction dont je bénéficie grâce à mon investissement, que se passe-t-il ?

Malheureusement, la réduction d’impôt ne peut être ni remboursée (pas de crédit d’impôt), ni reportée sur une période imposable suivante.  Et l’excédent éventuel de la réduction d’impôt ne pourra pas non plus être imputé sur l’impôt dû par votre conjoint.

Et en pratique, comment ça marche ?

En pratique, la demande de réduction d’impôt se fera via la déclaration IPP (ou INR) de l’investisseur.  Pour pouvoir l’obtenir, il faut produire les documents faisant apparaître que :

  • Toutes les conditions sont remplies, tant dans le chef de la start-up que dans celui de l’investisseur,
  • Que les actions ou parts ont bien été acquises pendant la période imposable et que l’investisseur était toujours en leur possession à la fin de la période imposable,

Ce dernier élément devra être prouvé au cours des 4 périodes imposables suivantes pour pouvoir maintenir le bénéfice de la réduction d’impôt.